L'EPR2, l'ultime sursaut de la filière nucléaire pour survivre

On vient d'apprendre que l'Etat s'est emparé de 90% des actions EDF au moment même où le Sénat fait sauter la limite des 63.2 GWe défini par la loi de transition énergétique de 2015 et demande la suspension pure et simple de l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique. Comment interpréter ces effets d'annonce et ce retour en grâce de l'énergie atomique ?

Guillaume Blavette

1/20/20231 min read

Le lancement du Programme Nouveau nucléaire français (PNNF), la constitution de la délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN) comme le projet de loi d’accélération du nucléaire considérablement renforcé par le vote des sénateurs donnent à voir un retour en grâce du nucléaire au plus haut sommet de l’Etat. On est en présence d’une inversion de tendance majeure après deux décennies de débat et de défiance croissante vis-à-vis de cette technologie pour le moins dangereuse et si onéreuse. Grand jeu d’autant plus surprenant que la situation de la filière nucléaire n’a jamais été aussi fragile...

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Afin de mieux comprendre ce qui est en jeu, il faut se détacher de la technique pour envisager les choses sous un angle purement économique. Parce que ce qui est en jeu n'est pas tant le financement du nucléaire mais plus globalement la nécessaire recapitalisation du système électrique français dans un contexte très concurrentiel marqué par les impacts du changement climatique.

Nous ne pouvons ainsi éviter de faire un petit détour pour mieux comprendre ce qui se passe. Si pendant longtemps la filière nucléaire a pu imposer ses propres chiffres et des évaluations favorables à ses intérêts, ce n'est plus le cas depuis la fin du siècle dernier. A la faveur des déconvenues de cette industrie après Tchernobyl, des économistes ont remis en cause la thèse de la rentabilité du nucléaire et donné à voir les coûts exorbitants de cette technologie..

Dès la fin des années 1980, le nucléaire est à la peine face à ces nouveaux arguments économiques et comptables. Le coût de la construction du parc et surtout les conséquences de la surcapacité nucléaire française soulèvent des premières critiques. Ainsi dans les années 1990, le programme nucléaire est freiné en toute discrétion mais très concrètement. Les 100 réacteurs proposés par la commission PEON ne verront jamais le jour et ce ne sont que 4 réacteurs du palier N4 qui sont mis en chantier. Ainsi le rapport Charpin-Dessus-Pellat déjà mentionné sur ce site confirme cette orientation de l’Etat. L’image du nucléaire change radicalement. Cette technologie apparait comme trop onéreuse à mettre en œuvre et de plus en plus chere à exploiter.

L’alternance de 2002 ne rebat pas complétement les cartes. Si la nouvelle majorité clame sa foi dans l’atome, la résolution des années 1970 a disparu. Le débat sur les énergies organisé par Nicole Fontaine le donne à voir. La bataille change de terrain. Dans un contexte économique et industriel totalement bouleversé, l’opportunité de relancer la filière nucléaire est pour le moins fragilisée par la percée des énergies renouvelables. Dès cette époque, d’aucuns reconnaissent que si le nucléaire constitue une solution technique intéressante, il ne fait plus le poids face à des énergies nouvelles plus rentables qui peuvent être mises en œuvre plus rapidement comme le donne à voir l’Energiewende allemand.

Ainsi la France hésite. Au début des années 2000, personne ne sait vraiment s’il est préférable de prolonger le parc en exploitation ou préparer son renouvellement par la mise en œuvre d’un nouveau palier, l’EPR. Doutes et dissensions sont tellement forts qu’aucun choix n’est fait. Si AREVA au fait de sa splendeur obtient le lancement d’un prototype EPR à Flamanville, EDF gagne une prolongation de la durée d’exploitation portée opportunément à 40 ans. Le poids des décisions les plus lourdes est reporté sur la génération suivante ou plutôt sur les gouvernements à venir.

Il faut dire que les choses ne sont pas simples. Le cadre n’est plus le même que dans les années 1970. Non seulement EDF n’est plus une régie publique mais le règles de financement des grands projets ne sont plus du tout les mêmes. Désormais il faut compter avec les marchés financiers et prendre en compte le prix de l’argent pour évaluer le coût final d’une installation surtout quand celle-ci est de grande puissance.

La descente aux enfers de la filière nucléaire française

Il est plaisant pour un militant antinucléaire de considérer que la catastrophe de Fukushima a changé la donne, que le renforcement des référentiels de sûreté a entrainé des choix politiques de sortie du nucléaire et ralentissement majeur des projets atomiques. La réalité est plus triviale. Le nucléaire est à la peine parce qu’il est très difficilement finançable au regard des standards financiers internationaux. Non seulement, il nécessite des masses colossales de capitaux mais sa rentabilité est loin d’être exceptionnelle.

En France cette évolution au regard de l’importance de la filière nucléaire prend une tournure dramatique. Plutôt que renforcer leur outil de production et préparer l’avenir rationnellement, EDF et AREVA se lancent dans une série d’aventures pour le moins onéreuses qui grèvent leurs résultats nets. Chacun connaît la suite. L’endettement se creuse inexorablement alors que la rente de situation dont ces deux géants croyaient bénéficier fond comme neige au soleil. Si les contrats d’AREVA sont de moins en moins nombreux au fil des années, la disponibilité des réacteurs commence à diminuer après une décennie de sous-investissement.

La commission Champsaur s’interroge sur la possibilité de refinancer une filière aux abois dans le respect du cadre européen. L’année suivante François Roussely dans un rapport demandé par le Président Sarkozy tire la sonnette d’alarme. Il faut sauver la filière nucléaire, la réorganiser au risque qu’elle s’effondre définitivement. Les solutions proposées surprennent par leur radicalité mais s’avèrent rétrospectivement comme plutôt bien vues. Et c’est ainsi que le lancement d’un second EPR à Penly est annoncé en plein Grenelle de l’environnement en dépit d’une Programmation pluriannuelle des investissements qui peine à justifier le projet.

C’est alors que Fukushima survient et ébranle tout autant l’opinion publique que le personnel politique. Le candidat Hollande pour gagner l’appui des écologistes se démarque de son concurrent Sarkozy et annonce une refonte profonde de la politique énergétique en faveur d’une transition nécessitant une baisse de la part du nucléaire. Le lobby atomique s’insurge mais ne peut pas grand-chose. Point d’écologie dans ce changement de cap, seulement des considérations comptables alors d’EDF et AREVA poursuivent leur descente en enfer. La situation devient tellement tendue que le président de l’Autorité de contrôle témoigne publiquement de ses inquiétudes relatives à la capacité des exploitants à faire face à leurs charges.

La loi de transition énergétique n’est donc pas une loi de sortie du nucléaire, loin s’en faut, mais une proposition de réorientation de la filière en vue de protéger les deux entreprises. Ainsi le retraitement des combustibles est-il confirmé alors qu’EDF est seulement invité à redéployer ses moyens de plus en plus réduits pour sécuriser l’exploitation des réacteurs les plus robustes. On est bien en présence d’un calcul économique dont l’ambition est de baisser la part du nucléaire pour améliorer l’efficience de l’exploitation. La seule concession accordée aux écologistes concerne le renforcement des prérogatives de l’Autorité de contrôle et des commissions locales d’information.

Faute de moyens et d'un changement profond des politiques publiques, la situation se dégrade un peu plus encore

Le problème est que le dispositif envisagé ne suffit pas. La mise en œuvre de la transition énergétique ne connait aucun sursaut en France et peine à atteindre les objectifs déterminés à l’échelle européenne. En Haute-Normandie le SRCAE fixe un objectif de 16% de renouvelables en 2020 alors qu’il conviendrait d’atteindre 23%. La France apparait même comme la lanterne rouge de la transition énergétique en Europe de l’Ouest. Mais là n’est pas l’essentiel. La descente aux enfers de la filière aboutit au krach d’Areva et à une opération massive de refinancement d’EDF.

Le nouveau président, Emmanuel Macron hérite ainsi d’une situation profondément dégradée pour ne pas dire plus. Deux choix se présentaient alors à lui : celui de l’audace ou un grand bond en arrière pour tenter de sauver une filière en pleine déliquescence. Il choisit bien évidemment la plus mauvaise option mêlant un profond conservatisme technologique et le souci de préserver des intérêts acquis plutôt que lancer la France dans la grande aventure de la transition énergétique. Les décisions s’enchainent alors rapidement. La baisse de la part du nucléaire dans le mix électrique est reportée en 2035. L’Etat annonce sa volonté de reprendre en main l’énergéticien national à la faveur d’un étrange projet nommé "Hercule". Last but not least, EDF présente à l’occasion de l’élaboration de la PPE en janvier 2018 son intention de relancer le renouvellement du parc en déployant un EPR nouveau modèle.

Cinquante ans après la commission PEON, l’Etat enfourche de nouveau l’hydre atomique. A l'issue deux décennies de crise, la filière atomique bénéficie d’un retour en grâce pour le moins surprenant. Mais que ne ferait-on pas pour sauver le climat et le service public ? parce que nous sommes bien là en présence d’une étrange configuration qui regroupe autour du président Macron les bureaucrates syndicaux de la filière atomique, une technostructure prétentieuse emmenée par Jancovici et une myriade d’associations et autres collectifs qui considèrent que les renouvelables constituent la pire menace pour l’environnement.

L’opinion publique ou plutôt certains qui prétendent la représenter, dix ans après Fukushima, retrouvent la foi dans l’atome et appellent de leurs vœux une relance de cette filière qui garantirait à la France la prospérité des mythiques années 1980. Même les Verts autrefois antinucléaires se plaisent désormais à promouvoir la très jancovicienne Fresque du Climat et à relayer la défiance vis-à-vis des énergies renouvelables. Le climat occupe désormais tous les esprits renvoyant au second plan une opposition au nucléaire considérée par beaucoup comme futile.

La transition énergétique est partout à la peine. Mais peu s’en inquiètent. La transition se fera donc grâce à l’atome et à un déploiement « raisonnable » des énergies renouvelables. Le revirement de l’opinion publique est si puissant qu’il apparaît comme aberrant se s’opposer à la si vertueuse et si sûre énergie nucléaire. Le grand mal c’est le charbon. Il faut décarboner l’économie. Et à en croire les maitres de vérité de la sainte Eglise atomique cela ne pourra se faire sans les centrales, sans une relance de la filière atomique qui aurait trop tardé. Vingt ans de débat sont rayés d’un trait pour laisser la place à une profession de foi renouvelée. Profession de foi d’autant plus surprenante que sur le terrain ça se passe de moins en moins bien…

La menace d’un grand bond en arrière

En effet le paradoxe est immense entre le retour en grâce de l’atome est la situation effective du nucléaire. La piètre disponibilité des réacteurs comme la perte de compétences des entreprises deviennent la marque de fabrique d’une filière en complète déshérence. Comble de la crise, l’affaire de la cuve de l’EPR met au jour un système de malfaçons et surtout de dissimulation des erreurs et autres écarts. Le Grand Carénage présenté à grand renfort de communication n’est pas plus brillant. A Paluel, EDF a été capable coup sur coup de faire tomber un générateur de vapeur et de mettre le feu au condenseur du réacteur n°2. Rien ne va plus dans le petit monde de l’atome au point que la crise du COVID vienne ébranler l’exploitation d’un parc en reportant des opérations de maintenance indispensables entrainant des arrêts en cascade menaçant la sécurité des approvisionnements. Puis arrive l’affaire des corrosions sous contrainte. Etc. Etc.

Le roi est nu. Mais c’est pourtant en cette période troublée que l’avenue de Wagram annonce le lancement d’un vaste programme de construction de réacteurs de type EPR2 fort du soutien du président de la République. Le piège se referme. Après plusieurs années d’inaction, le pouvoir d’Etat annonce non sans emphase que la relance du nucléaire est indispensable à la réalisation d’une économie décarbonée. There is no alternative… Tout au plus on voit le gouvernement prendre quelques précautions en publiant différentes expertises financières pour justifier la possibilité financière de la réalisation de ce plan de relance inédit. Ce ne sont pas moins d’une cinquantaine de milliards d’euros qui seraient investis dans la construction d’une série de 6 EPR2… machine qui n’existe que sur le papier non sans éveiller quelques soupçons.

Une première approche amène à douter de la faisabilité d’un tel programme dans une économie mondiale financiarisée et surtout dans à un cadre européen soucieux de garantir une concurrence libre et non faussée sur le marché de l’énergie en particulier En effet le cout final d’un projet nucléaire, comme de tout projet de grande ampleur, dépend pour grande part du prix de l’argent alors que la masse de capitaux nécessaires est pharaonique. Aucune technologie ne nécessite une immobilisation de capitaux aussi importante pendant une durée aussi longue. Et chacun comprendra que les investisseurs y regardent à deux fois avant d’engager le moindre kopek dans le nucléaire… au point que depuis déjà longtemps cette filière n’attire plus guère au regard des risques qu’elle présente et surtout de sa très modeste rentabilité.

Tous les projets nucléaires depuis le début du siècle reposent sur des montages qui leur permettent d’accéder à des capitaux à un coût bien inférieur que ceux que proposent les investisseurs institutionnels et plus globalement le marché. L’EPR d’Olkiluoto a ainsi été financé par un consortium d’entreprises finlandaises qui ont besoin de grandes quantités d’électricité (TVO). Les autres EPR, en France et ailleurs, ont quant à eux été financés par de l’argent public non sans quelques négociations avec Bruxelles comme l’a donné à voir le projet Hinkley Point c ou le grand jeu autour du projet Sizewell C. En République Tchèque ou en Hongrie où des projets nucléaires sont en cours, l’Etat intervient aussi massivement pour faciliter la réalisation de projets qui seraient trop onéreux s’ils reposaient sur des financements privés.

On est ainsi en droit de s’interroger sur la sincérité des gouvernements français successifs depuis l’annonce du Programme Nouveau nucléaire français (PNNF). Si officiellement son financement repose sur un investissement colossal de l’exploitant pourtant très endetté, la part de l’Etat peut représenter plus de la moitié du coût total à en croire des documents révélés par le Revue Contexte. Une délégation interministérielle au nouveau nucléaire a même été créée pour accompagner le maitre d’ouvrage tant sur le plan industriel que financier. Preuve s’il en est que le PNNF est une affaire d’Etat et non un projet privé. Affaire d’Etat qui au final est indissociable du projet Hercule, c’est-à-dire de la « renationalisation » d’EDF.

Pour un retour de la production électrique sous le giron de l’Etat

Et si donc ce programme industriel n’était qu’un jeu de communication pour justifier vis-à-vis de Bruxelles la reprise en main par l’Etat d’un opérateur industriel qui a accumulé fautes et erreurs depuis le changement de statut de 2004 ?

Cette question mérite d’être posée au regard du manque de résolution du maitre d’ouvrage pour défendre son projet depuis le début du débat public. On n’a jamais vu un maitre d’ouvrage aussi ouvert au dialogue alors qu’il a bien peu à dire sur un projet qui est très loin d’être finalisé. Deux exemples le donnent à voir clairement. Il s’agit d’abord du combustible qui serait utilisé. Si EDF prétend moxer les EPR2, l’IRSN n’a pas reçu à ce jour d’informations relatives à ce choix... alors qu’en 2010 il a été reconnu que l’EPR de Flamanville ne pouvait utiliser un tel combustible. Mais surtout on est en droit de s’interroger sur la possibilité d’alimenter les EPR2, tout au long de leur exploitation, en Mox au vu de l’état des installations de La Hague et de la situation d’Orano. Si d’aucuns veulent disposer de Mox après 2040, il faudrait en effet lancer dès aujourd’hui la construction d’une nouvelle usine alors que celles qui sont aujourd’hui en exploitation sont en fin de vie… Il y a bien là un problème réel et sérieux qui au mieux amène les exploitants nucléaires à quelques déclarations de principes qui ne débouchent sur aucun engagement concret.

Mais le problème ne s’arrête pas là. Quand on interroge la fameuse DINN sur la stratégie de financement effective du PNNF, on est bien peu avancé. Tout au plus la nouvelle direction nous oppose que les négociations sont encore en cours avec Bruxelles, que les données avancées par le maitre d’ouvrage impliquent en effet des aides publiques massives… que personne à ce jour n’est en capacité de dire comment ces aides pourraient être financées, l’Etat hésitant sur des modalités qui pourraient reporter la charge de l’investissement sur les contribuables ou sur les consommateurs. Pour le dire autrement c’est le grand flou. Une seule chose est certaine : le projet est très cher, il n’est pas facile à financer alors que manifestement le nucléaire ne passionne pas les marchés financiers.

C’est bien pour cette raison que l’on peut se demander si tout cela n’est qu'un artifice dont l'objectif n'"est pas tant de renouveler le parc nucléaire que de rassurer quelques acteurs non sans sécuriser la situation d’EDF au bord de la faillite. En effet le PNNF arrive à point nommé pour satisfaire à la fois des syndicats d’EDF pour le moins inquiets et la myriade d’entreprises sous-traitantes qui vivent du nucléaire. L’Etat se livrerait ainsi à une vaste opération de communication pour réaliser son objectif principal, le retour sous l’autorité du gouvernement d’EDF… au grand plaisir de la Nupes qui revendique haut et fort la renationalisation du secteur de l’énergie.

Le climat a bon dos dans tout ça. On est en présence de grandes manœuvres qui pourraient au pire déboucher sur la construction de deux réacteurs à Penly mais en aucun cas sur un vaste programme de 6 voire 14 réacteurs qui sont au-delà des capacités techniques et financières du pays. Constructions nécessaires pour justifier de dérogations de Bruxelles et donc d’un changement de gouvernance et de modèle économique de la production d’électricité en France.

Et là on touche au cœur du problème. L’enjeu en dernier recours n'est pas atomique amis vise à construire un nouveau mode de financement de la production d’électricité dans un pays qui non seulement a sur les bras un parc nucléaire obsolète mais qui a été jusqu’à ce jour infoutu de déployer à l’échelle qui convient la transition énergétique. Il s’agirait d’une part de casser la technostructure de l’avenue de Wagram qui a laissé se déliter le parc nucléaire depuis vingt ans et d’autre part de trouver une solution qui rassure les investisseurs qui ont tant fait défaut ici pour financer la transition énergétique.

On aurait donc un Etat qui surjoue un soutien au nucléaire pour au final réorganiser une filière électrique de manière à pouvoir faire appel à des financements privés. Cela correspond bel et bien au projet "Hercule" tel qu’il a été esquissé à la fin des années 2010 : le nucléaire resterait sous le giron de l’Etat _ avec la masse de dettes qu'il a entrainée _ alors que la distribution d’électricité et les renouvelables seraient concédés au marché de manière à pouvoir accéder au moindre cout aux capitaux nécessaires à leur développement.

Une fois encore on serait en présence d’une stratégie visant à socialiser les pertes et les contraintes pour laisser au marché ce qui marche et qui rapporte. Curieuse configuration qui en tout cas donne à voir que la page du nucléaire et bel et bien en train de se tourner. Au mieux cette filière survivra à une échelle résiduelle pour laisser la place à un nouveau modèle technologique fondé sur un réseau dense de petites unités de productions.

Epilogue

Il ne s’agit là que d’une hypothèse bien évidemment. Jamais le lobby nucléaire n’a été aussi actif qu’à l’occasion de ce débat public et de la concertation proposée par le Ministère de la transition énergétique cet automne. Bien des éléments portent à croire que nous serions au bord d’une relance sans précédent de la filière atomique.

Pour autant un très grand nombre d’éléments objectifs amènent à douter de cette possibilité. Tout fait défaut pour réaliser cette fameuse relance. Ni les capitaux, ni les savoir-faire, ni les compétences, ni l’outil industriel et encore moins les ressources ne sont disponibles pour pérenniser l’option nucléaire.

Qu’on s’en félicite ou pas, la réalité effective des choses se rappelle à tout un chacun. L’ère du nucléaire touche à sa fin parce que cette technologie est trop chère, trop complexe, trop risquée et surtout trop polluante. Si ce n’est quelques milieux technologiques et industriels, personne n’a intérêt d’aventurer la France dans une relance du nucléaire qui ne ferait que retarder l’adaptation urgente de notre modèle électrique aux nouveaux usages comme à la crise climatique. Le souci des consommateurs qui éprouvent des factures toujours plus lourdes confirme la nécessité de changer de base.

Changement majeur qui s’impose à l’heure où l’Andra vient de déposer avec une grosse décennie de retard la demande d’autorisation de création du stockage en couche géologique profonde des déchets atomiques. Quoi qu’en pensent quelques thuriféraires de l’atome, c’est en effet déjà compliqué de gérer les déchets des 58 réacteurs qui ont fonctionné depuis un demi-siècle… ce n’est pas la peine d’en rajouter.

Mieux vaut donc tourner la page de cette illusion technologique qui aura permis pendant quelques décennies de limiter la hausse des factures d’électricité permettant aux gens d’alimenter copieusement leur petite auto au péril du climat.

Mais pour cela faudrait-il encore que l’Etat et EDF soient sincères et qu’ils arrêtent de faire miroiter une relance impossible. Il conviendrait que les enjeux réels soient présentés au public, que d’aucuns reconnaissent que le nucléaire n’est qu’une option parmi d’autres probablement la plus fragile, que l’enjeu en dernier recours est de construire un système énergétique résilient, sobre, efficace et démocratique.

Evitons donc de se payer de mots, d’abuser d’effets d’annonces et osons regarder en face les vrais défis qui se présentent à nous…