Centrales nucléaires et environnement

Si les centrales nucléaires ne sont pas bonnes pour le climat, elle ne le sont pas non plus pour l'environnement

Guillaume Blavette

9/20/20220 min read

Le nucléaire est revenu au cœur du débat public sur l’énergie depuis quelques mois. D’aucuns parent cette technologie de toutes les vertus. Elles seraient fiables, maitrisées, garantirait la sécurité des approvisionnements menacés par des énergies renouvelables intermittentes et surtout elle serait bonne pour le climat.

Comme souvent quand on a affaire à un sujet complexe, il est difficile de distinguer le vrai du faux. C’est particulièrement le cas avec la filière atomique qui a toujours eu le souci de déployer une communication offensive pour vanter ses mérites.

Or les choses sont moins évidentes que le disent les thuriféraires de l’atome. Une installation nucléaire de base est une gigantesque machine, atomique mais aussi chimique, dont les impacts et les rejets sont à la mesure de la taille des équipements et des volumes des substances utilisées.

La première d’entre elle est l’eau. Un réacteur nucléaire n’est en effet qu’une vulgaire chaudière où l’on a substitué des matières radioactives aux combustibles fossiles. Le cœur du réacteur chauffe donc de l’eau en son circuit primaire qui chauffe ensuite l’eau du circuit dit secondaire entrainant l’alternateur. Non seulement on n’a jamais inventé de technologie aussi peu efficace mais surtout ce sont des millions de m3 qui sont volatilisés chaque année par l’industrie nucléaire. En circuit ouvert, selon EDF, les volumes annuels d’eau prélevés varient de 900 à 1 900 millions de m3 par réacteur selon l’importance des installations de refroidissement. Les centrales installées au bord des fleuves prélèvement environ 5 m3 par seconde pour refroidir chaque réacteur. Selon une étude réalisée par des experts non institutionnels en 2008, entre 133 000 à 190 000 litres d’eau par MWh sont utilisés par les centrales avec refroidissement en prise directe, entre 2 850 à 3 420 litres par jour pour les centrales ayant un système de refroidissement fermé (tour de refroidissement).

Le problème est que ces masses d’eau ne sont pas restituées sans impact au milieu naturel. Les centrales nucléaires produisent essentiellement de la vapeur d’eau qui se disperse dans l’atmosphère. Toutes rejettent dans des proportions variées des effluents liquides non sans quelques substances qui sont loin d’être anodines. Une centrale nucléaire pollue donc chaque jour couverte par des autorisations de rejets pour le moins généreuses. Des autorisations dimensionnées principalement pour le besoin de l’exploitation bien plus que pour la sauvegarde des milieux. Ainsi retrouve-ton dans l’environnement autour des centrales non seulement des radionucléides artificiels mais un cocktail diversifié de substances chimiques nécessaires à la protection de l’intégrité des circuits (corrosions et colmatages) … à des températures variées !

Les centrales nucléaires tout autant que les grandes installations chimiques et pétrolières se distinguent par une exploitation qui entraine une destruction du vivant et une artificialisation des milieux. Il suffit d’observer l’évolution du littoral normand ou de la vallée de la Loire pour comprendre l’impact de l’industrie nucléaire. Les périmètres nucléaires ont été aménagés sur des espaces naturels ou agricoles au moyen d’aménagements massifs En Normandie, ils ont été conquis sur la mer par une poldérisation du platier qui n’est pas sans poser aujourd’hui des problèmes croissants d’ensablement et d’érosions au-delà de la centrale. Celles construites au bord des fleuves ont nécessité des aménagements tout aussi importants. Cattenom a provoqué non seulement la construction d’un barrage sur la Moselle mais le creusement d’un vaste lac artificiel. L’exploitation du Bugey n'est possible que parce qu’en amont le barrage de Vouglans retient les eaux du Rhône et en régule le cours. Si les éoliennes entrainent un mitage des espaces ruraux, nous sommes avec le nucléaire en présence d’un phénomène d’une toute autre ampleur. La centrale de nucléaire s’étend sur 160 ha largement remaniés lors de la construction avec les déblais retirés de la valleuse où les réacteurs sont installés. La centrale de Belleville installée aux pieds de la colline de Sancerre se situe en pleine zone d’expansion de la crue de la Loire. Le blayais a été submergé par les flots en 1999.

L’eau, la terre sont nettement impactés par l’exploitation nucléaire. C’est aussi le cas de l’air. Les centrales en circuit fermé, c’est-à-dire celles qui disposent de tour aéroréfrigérantes, émettent des quantités considérables de vapeur d’eau dont le pouvoir de réchauffement global est non nul. Toutes en revanchent émettent des gaz dits rares afin de dépressuriser le bâtiment réacteur où le circuit primaire n’est pas si étanche que d’aucuns le prétendent…

Les centrales nucléaires figurent parmi les installations dont les rejets et les prélèvements sont les plus massifs. Rejets toujours à la limite de la capacité des milieux comme on l’a vu cet été, de nombreux réacteurs ayant dû être mis à l’arrêt. Mais à la différence d’autres industries, la filière nucléaire peut déverser dans l’environnement des substances artificielles sans opérations lourdes de traitement préalable. Ainsi les purges des réservoirs de « substances hydrogénées » sont autorisées au titre des capacités de dispersion des milieux. Il n’en reste pas moins que ces substances ne disparaissent pas et s’accumulent comme le donne à voir les prélèvements réalisés par l’ACRO sur le littoral Normand. C’est le cas en particulier du Tritium liquide. Ce radionucléide a la caractéristique d’être bioaccumulé par les organismes vivants et d’entrainer des pollutions notables au point que la Convention OSPAR ait identifié cette substance comme préoccupante. De nombreux autres sont aussi mesurées tel l’Argent 110, l’Antimoine 124, ou le nickel 63. En joli cocktail dont les traces sont mesurables dans les milieux en aval des réacteurs qui n’a d’égal que les substances qui agrémentent les panaches de rejets des réacteurs : Argon, Krypton, Xenon, etc.

Ceux qui considèrent que les centrales nucléaires sont bonnes pour l’environnement, parce qu’elles émettent peu de gaz carbonique, oublient généralement toutes ces émissions pour le moins nocives comme le donne à voir quelques rares enquêtes sur la prévalence des leucémies infantiles autour des installations nucléaires. Plus généralement le bilan carbone d’une centrale nucléaire n’est pas si favorable si on prend en compte la construction de l’installation, la montagne de béton qu’elle nécessite et l’ensemble des opérations métallurgiques pour forger les équipements. Une centrale est une énorme immobilisation d’énergie et matière qui explique que son taux de retour énergétique (EROI) soit inférieur à celui de l’éolien… 10 fois moindre que celui de l’hydroélectrique.

Mais là n’est ni le plus grave ni le plus durable. L’exploitation de l’énergie atomique pour produire de l’électricité se distingue de toute autre technologie par sa capacité à générer des substances dont la nocivité est colossale pour des durées de temps immenses. Pour l’essentiel, il s’agit de chimères qui n’existent pas la nature. Quelques milligrammes suffisent pour tuer un organisme vivant. C’est le cas du tristement célèbre Plutonium, nécessaire à la fabrication des armes atomiques. C’est aussi le cas de ces substances bien connues des étudiants en physiques qui agrémentent la base du tableau périodique des éléments, les actinides mineurs et autres transuraniens. Chaque Kwh électronucléaire nous laisse un héritage pour l’éternité dont le potentiel de danger bien plus grand que les volumes concernés.

Ainsi est-il nécessaire de mettre en œuvre une stratégie et des dispositifs lourds et couteux pour neutraliser ces substances et éviter qu’elles ne tombent entre de mauvaises mains. Pour ce faire, la France a fait le choix du traitement des combustibles usés, activité parmi les plus polluantes qui soient, se retrouvant avec une gamme très diversifiée de déchets plus ou moins dangereux dont personne ne sait que faire… au point de vouloir glisser sous le tapis aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne, ces chimères évoquées ci-dessus. Or ce ne sont pas les seuls déchets générés par les centrales. Chaque année des milliers de tonnes de ferrailles, filtres et autres équipements sont accumulés au point de devoir créer de nouveaux centres de stockage. Nous sommes en présence d’une congestion complète de ce que d’aucuns appellent « l’aval du cycle nucléaire » qui pose des problèmes d’acceptabilité des installations sans commune mesure avec les modestes contraintes que peuvent générer le déploiement des énergies renouvelables.

Pour finir, on ne saurait envisager les impacts environnementaux et sanitaires du nucléaire sans évoquer le l’accident. Depuis 50 ans, l’histoire de cette filière se distingue en effet de tous les autres secteurs industriels. 3 accidents majeurs ont eu lieu ainsi qu’un nombre équivalent d’événements sérieux notamment en France à Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 puis 1980. Cette Technologie n’a donc jamais tenue ses promesses de robustesse donnant à voir une accidentologie très nettement supérieure aux évaluations de ses promoteurs.

Le retour d’expérience des catastrophes atomiques se distingue par des conséquences très profondes, sur une vaste étendue, pour une durée indéterminée, aux dépends des activités et du peuplement humain. C’est pour cela que la France a adoptée en 2014, une Plan national de réponse à un accident nucléaire pour le moins contraignant.

Nous sommes donc en présence d’une technologie très problématique dont les inconvénients, les impacts et les risques sont sans commune mesure avec un bénéfice carbone qui n’est pas si important que ça au regard de celui apporté par les énergies naturelles et renouvelables.