Une consultation formelle de l'Autorité de contrôle sur la mise en service de l'EPR de Flamanville

a commencé aujourd'hui la consultation du public sur l'autorisation de mise en service de l'EPR présentée par EDF à l'Autorité de contrôle. Nous déplorons vivement les modalités de cette consultation et le manque de transparence d'EDF

Guillaume Blavette

6/5/20234 min read

Cette consultation relative à la demande de mise en service du réacteur de Flamanville est pour le moins surréaliste alors que les incertitudes sur la capacité de ce prototype industrielle à fonctionner restent immenses. Trop d’aléas et d’écarts ont marqué ce chantier long de 16 ans pour que l’on puisse faire confiance à l’exploitant. Que nous réservera l’avenir alors que des révélations surgissent régulièrement sur les faiblesses et le manque de robustesse de ce réacteur ?

Mais notre avis ne saurait se résumer à cette stupeur. Nous invoquons trois arguments principaux pour produire un avis négatif en réponse à cette consultation :

1. Le premier porte sur la faible capacité d’EDF à entendre réserves et remarques qui lui sont adressées. En effet la lecture de l’imposante documentation mise en ligne par l’Autorité de contrôle montre que les remarques formulées par l’Autorité environnementale dans son avis délibéré du 22 décembre 2021 n’ont pas été prises en compte dans leur totalité. Nous sommes en présence d’informations qui ne sont pas intelligible par le plus grand nombre ne permettant pas de formuler un avis éclairé dans les délais impartis. Des éclairages produits par l’Institut de radioprotection et des experts non institutionnels pouvaient permettre d’éclairer le public et d’initier un dialogue technique digne de ce nom sur l’opportunité et les modalités de la demande de mise en service.

2. Le second fait suite à l’avis de l’Autorité environnementale citée précédemment :

« L’Ae recommande, à la veille de la mise en service du réacteur, de récapituler les écarts, incidents et accidents qu’a connus l’EPR en lien avec la sûreté nucléaire pendant sa phase de construction et d’expliciter les mesures prises pour y répondre, en particulier pour ce qui concerne la cuve du réacteur. Elle recommande également de présenter le retour d’expérience des EPR d’Olkiluoto (Finlande) et de Taïshan (Chine) et de spécifier la façon dont l’EPR va le prendre en compte, dans le cadre de la mise en service mais aussi pour anticiper les incertitudes liées à ce nouveau type de réacteur. »

Non seulement nous ne disposons d’aucune information sur le retour d’expérience des mises en service et de l’exploitation des quelques EPR qui ont été construits dans le monde, mais le dossier ne mentionne pas les aléas rencontrés qui impactent le fonctionnement de l’EPR. Nous ne savons donc pas comment EDF prend en compte les défauts de la cuve et de bon nombre d’ESPN installés à Flamanville ni comment l’exploitant entend faire face aux défaillances constatées en Chine.

Ainsi sommes nous en droit de nous interroger sur la sincérité de la démarche d’EDF et sur la capacité de l’exploitant à garantir dans la durée et en toute circonstance sûreté et radioprotection. Cela d’autant plus que quelques événements récents nous amènent à considérer que les choses ne sont plus les mêmes qu’en 2007. C’est le cas en particulier du combustible qui a dû être changé en toute hâte à la faveur du Rex Taishan. C’est le cas de la maitrise des flux hydrauliques en fond de cuve qui seraient responsables de l’usure des assemblages et de la contamination du primaire…

Nous déplorons que cette consultation du public se résume à un exercice formel dans le cadre d’un processus décisionnel alors que cela aurait pu être l’occasion d’un véritable débat public sur l’intérêt et les limites d’une autorisation de mise en service d’un réacteur dont les modifications au fil de l’eau sont innombrables, dont le couvercle de cuve devra être changé, dont on peut douter de la capacité même à garantir la disponibilité que les usagers sont en droit d’attendre.

3. Le troisième argument concerne la nature même des informations présentées au public. Dans chaque volume des données font défauts. Ainsi dans le chapitre 4 du rapport de sûreté relatif à la physique du cœur, des données ne sont pas disponibles (voir infra). Au mieux EDF nous fait part de sa résolution à se conformer à la réglementation en vigueur… sans jamais que l’on sache comment et selon quelles modalités. Même des informations qui ne sont guère sensibles sont absentes. C’est le cas notamment de la température de fusion du combustible puisque le pétitionnaire se contente d’indiquer que « La température de fusion avec incertitude retenue pour les combustibles UO2 et UO2-Gd2O3 non irradiés est de [] °C. » Les Règles générales d’exploitation présentées ne sont guère plus explicites. Ainsi apprenons nous que p. 104/225 que la fréquence calendaire des tests pourra varier de 25% sans que l’on sache pourquoi…

On est là très loin du devoir d’information préalable qu’un industriel doit au public et de la mise en œuvre des principes définis par la Loi du 13 juin 2006. EDF se livre à un exercice formel qui ne permet gère au plus grand nombre d’élaborer un avis dûment argumenté. Si la documentation est massive, l’essentiel n’est jamais qu’une suite d’intentions conforme aux principes et normes en vigueur qui souffre d’un manque évident de justification et d’explication.

Nous sommes en présence du degré zéro de la participation du public quelques semaines avant les rencontres européennes de la participation qui auront lieu à Rouen les 27 et 28 juin prochain. Il ne suffit pas de présenter à la multitude des milliers de pages pour qu’elle contribue à éclairer et enrichir des décisions complexes et difficiles. Il est nécessaire de proposer au public des éléments d’appréciations et des guides pour la lecture afin que celui-ci puisse apprécier la proposition d’EDF et déterminer si elle est adaptée aux enjeux.

En conséquence, il nous apparaît très difficile de formuler à ce jour un avis robuste à l’occasion de cette consultation. Trop d’éléments font défaut pour juger de l’opportunité de mettre en service le prototype EPR de Flamanville. Au fiasco industriel fait suite un fiasco démocratique après la validation pour le moins surprenante de la cuve de ce réacteur.

Comment dans ses conditions envisager une relance de la filière nucléaire ?